Marseigne (Rattaché à Jaligny)

La campagne a connu bien des calamités. Nos ancêtres avaient souvent sujet de se plaindre  si l’on en croit les vieilles chroniques. Voici quelques faits consignés par le sieur Digot, curé de Marseigne, en marge des registres paroissiaux.

 

  1. « L’hiver de 1765 à 1766 a été des plus rigoureux. Le froid commença aux environs de Sainte Catherine (25 novembre) et dura sans cesser jusqu’à la fin de février. Il fut si violent qu’un homme de journée allant chercher à gagner sa vie et celle de ses enfants gela sur le chemin et mourut sur la paroisse de Tréteau où il fut enterré. J’ai vu plusieurs chênes que le froid avait fendus sur pied. La terre fut couverte d’environ un pied (0,33m) de neige depuis le 26 décembre jusqu’au 2 février, qu’un vent chaud fit fondre le 3. Au même mois de février, il en retomba plus d’une fois et qui dura jusqu’au 25. On prenait les lièvres dans les buissons sans autres armes que la main. J’en ai trouvé un au milieu d’un champ que la neige avait fait périr. On fut sur le point de périr de famine faute de moudre».

 

  1. « Depuis la publication de la paix publiée à Moulins en 1765 ou 1766, entre la France et l’Angleterre et la Prusse, au grand désavantage des Français (il s’agit probablement du traité de Paris de 1763 qui mit fin à la guerre de 7 ans), le royaume a été fort malheureux. Les blés ont toujours été chers ainsi que les chevaux et les bêtes à cornes. Les blés, en 1765, ont valu, le seigle 12 livres la quarte mesure de Lapalisse, le froment 14 livres. Le seigle 14 livres et le froment 16 livres l’année 1766. En 1767, le seigle 15 livres et le froment 18 livres. La plus malheureuse année a été la fin de 1770 à cause des pluies continuelles du printemps et une partie de l’été. La moisson qui a coutume de se faire fin juin ne se fit qu’à la fin de juillet, ce qui le peuple pour ainsi dire à la famine. Comme on avait enlevé tous les blés de l’année précédente on n’en trouvait point pour de l’argent. La plus dure de toutes les années est celle où nous sommes. La récolte a été fort médiocre, les greniers sont vides et les blés valent : le seigle 22 livres et le froment 24. Le seigle vaut au mois de novembre jusqu’à 28 livres et le froment 30. Nous avons tout à craindre que la misère ne tue un grand nombre de malheureux. La famine nous menace d’ici la moisson que nous ne pouvons pas espérer faire avant six mois. Le journalier à qui on donne dix sols par jour ne peut que gagner un boisseau de blé par semaine pour lui, sa femme, ses enfants, sur quoi il faut encore qu’il épargne la taille (impôt) ».

 

13 juillet 1771. « Nous faisons actuellement, mais nous ne l’avons commencé que du 10, une très bonne récolte. Le temps est des plus favorables. Tout le monde souffre néanmoins. Les blés qui, depuis 1 an, n’ont pas moins valu que 20, 22, 23, 27, 29 livres en seigle, et 28, 29, 30 en froment valent encore en froment 35 livres. On ne pas trouver depuis plus de deux mois, et surtout actuellement, du blé pour de l’argent. Malgré la cherté et la rareté des vivres, au grand étonnement de tout le monde, on n’apprend pas que personne meure de famine. Bien des gens souffrent au point de pâturer comme des bêtes. On en voit surtout dans les montagnes, pâles, desséchés, noirs et qui n’ont que le cadavre mais qui s’y retiennent. Nous avions beaucoup à craindre que la misère ne donna occasion à beaucoup de vols, cependant on n’a pas trop lieu de s’en plaindre, à l’exception de  quelques petits vols qui se sont faits en pain et en blé, nous n’avons pas appris qu’on aie rien tenté contre le repos publique. Les champs ensemencés en petites fèves sont souvent visités et nombre de propriétaires y voient les pauvres les manger sans s’y opposer ».

Cependant tous les propriétaires ne sont pas aussi bienveillants et le curé note : « La moisson est tardive cette année, au moins de 15 jours, et nous avons à St Gérand le Puy, un nommé Jolet, propriétaire en partie de la petite locaterie qui jointe le cimetière de cette paroisse, qui a eut la cruauté de se servir de la misère des ouvriers au point de ne leur donner pour tout salaire  pour lever sa moisson qui a été plus avancée que tout autre, que trois livres de pain par jour sans aucune autre rétribution ».

Le pain bis vaut alors quatre sols, le pain blanc cinq sols et six deniers.

 

1774, construction du chemin du Grand Domaine, à Jaligny.

Ce chemin, note dans ses registres le curé de Marseigne, « a été construit l’an 1772 aux dépens du roy ». La route de Tréteau à Jaligny passait alors par les Marquetons et les Burgeaux et la route de Moulins à Marcigny n’existant pas encore, un chemin s’imposait entre ce lieu-dit éloigné  de Marseigne et Jaligny. Voici en quelles circonstances fut entreprise sa construction, d’après les notes du curé Digot.

« Comme dans ces temps là les blés étaient extrêmement rares et par conséquent fort chers, la misère était presque générale parmi tout le petit peuple. Le bourgeois qui dans tout autre temps vivait honnêtement d’un certain revenu, était fort à l’étroit surtout s’il ne cueillait pas de blé. Cette denrée a continué d’être fort chère pendant 10 années consécutives. Elle a valu jusqu’à 21 livres 10 sols la quarte mesure de Lapalisse, cela n’a duré qu’environ trois mois, mais 18, 19 ou bien 20 livres, ça toujours été son prix ordinaire.

La misère du petit peuple toucha le roy et pour subvenir à ses besoins il établit dans chaque province un atelier de charité. Il en fut établi un à Jaligny et c’est celui qui a travaillé à la construction du chemin dont il est question. On recevait en cet atelier ceux qui s’y présentaient, vieillards, femmes et enfants. Chacun y gagnait à proportion de son travail. Depuis ce temps cet atelier a toujours fonctionné. Le roy a donné chaque année une certaine somme qui a été employée à la construction du chemin qui fut poussé jusqu’aux Godets en 1774 ».

C’est pour empierrer ce chemin que furent abattus à cette époque les remparts de Jaligny. Leur destruction ne fut d’ailleurs que partielle.

 

Les lieux-dits de Marseigne.

Avant la Révolution, la paroisse de Marseigne comprend les lieux-dits : les Ardilliers, les Moreliers, le Grand Domaine, le Domaine des Mineurs, la Loyette, la Jarrie, les Rachots, les Marquetons, la Grande Métayrie, le Moulin, la Tuilerie des Epinouses sur le chemin de Marseigne à Tréteau.

 

Le bourg de Marseigne.

Groupé autour de son prieuré (le Couvent), le bourg de Marseigne compte alors : deux cabaretiers, un boulanger, un peigneur à chanvre, un couvreur à paille, un maître maréchal, un maçon, un sabotier, un optier, un tuilier, un meunier, un garde des eaux et forêts, un laboureur, un journalier, un sacristain (Jean Alizard), le fermier du Couvent (Louis Brun). Y compris le presbytère, c’est un petit village de 18 feux.

 

Orthographe d’origine respectée

                                                                                                          Par Yvonne et Michel Ameuw